En-tete v2

Résumés des conférences

 

Ce colloque international, structuré autour de deux axes d'enquête, se propose de combler un certain retard de la France dans la réception des théorisations féministes de la reproduction sociale. Le premier axe, historique, permettra de revenir aux approches féministes classiques de la reproduction sociale pour les mettre en dialogue avec les propositions alternatives qui les ont nourries, qu’elles ont discutées et déplacées, ou qui se sont développées en parallèle dans le champ de la théorie critique. Quant au second axe, il entend cartographier le paysage contemporain des théories de la reproduction sociale en sollicitant à la fois une discussion interne à ce paradigme dont la crise financière de 2007-2008 a précipité la renaissance, et sa mise en conversation externe avec l’écoféminisme, le marxisme écologique, l’éthique et la politique du care, la thèse de la centralité du travail, le concept d’intersectionnalité ou encore la théorie des communs. 

 

Résumé des conférences par auteur.e :

Cinzia Arruzza

Céline Bessière et Sibylle Gollac   

Tithi Bhattacharya

Giovanna Di Chiro

Jules Falquet

Sara Farris

Leopoldina Fortunati

Nancy Fraser

Fanny Gallot et Aurore Koechlin

Claude Gautier

Émilie Hache

Aaron Jaffe

Prabha Kotiswaran

Frédéric Montferrand

Geneviève Pruvost 

Emmanuel Renault

Lucile Richard 

Maud Simonet

Christine Verschuur

_ _ _

 

 

Cinzia Arruzza

Reproduction sociale et accumulation primitive continue

 

 

Résumé. Plusieurs auteurs travaillant dans la vaste tradition des théories de la reproduction sociale liée à l'oppression de genre ont utilisé la notion d'accumulation primitive continue pour expliquer une série de phénomènes distincts, de la violence sexiste à la gestation pour autrui. Dans cet article, je critique la notion d'accumulation primitive continue et je soutiens que des concepts différents sont nécessaires pour expliquer et décrire des phénomènes distincts.

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 séparation

Céline Bessière et Sibylle Gollac

Le genre du capital, comment la famille reproduit les inégalités

Résumé. On sait que le capitalisme au XXIe siècle est synonyme dinégalités grandissantes entre les classes sociales. Ce que lon sait moins, cest que linégalité de richesse entre les hommes et les femmes augmente aussi, malgré des droits formellement égaux et la croyance selon laquelle, en accédant au marché du travail, les femmes auraient gagné leur autonomie. Pour comprendre pourquoi, il faut regarder ce qui se passe dans les familles qui accumulent et transmettent le capital économique afin de consolider leur position sociale dune génération à la suivante. Conjointes et conjoints, frères et sœurs, pères et mères noccupent pas les mêmes positions dans les stratégies familiales de reproduction, et nen tirent pas les mêmes bénéfices. Fruit de vingt ans de recherches, ce livre montre que le capital a un genre.

Nous enquêtons sur les calculs, les partages et les conflits qui ont lieu au moment des séparations conjugales et des héritages avec le concours des professionnel·les du droit. Des mères isolées du mouvement des Gilets jaunes au divorce de Jeff et MacKenzie Bezos, des transmissions de petites entreprises à lhéritage de Johnny Hallyday, les mécanismes de contrôle et de distribution du capital varient selon les classes sociales, mais aboutissent toujours à la dépossession des femmes. Ce livre analyse ainsi comment la société de classes se reproduit grâce à lappropriation masculine du capital.

Biographie de C. Bessière 

Biographie de S. Gollac

Retour en haut

séparation 

Tithi Bhattacharya

La théorie de la reproduction sociale comme diagnostic, l’abolition comme politique : réinventer l’anticapitalisme

Résumé. Depuis le renouveau bienvenu de l’attention scientifique et politique portée au care et à la reproduction sociale, s’est également développé une approche anhistorique du care qui en fait une expression belle, voire vertueuse du travail humain. Le care tel qu’il est pratiqué dans le cadre du capitalisme est cependant une unité dialectique d’opposés. D’une part, il constitue un aspect têtu et intraitable de l'humanité qui refuse les modifications capitalistes, continuant à soutenir et à entretenir les formes de vie. D’autre part, en tant qu’acte inséré dans les relations sociales capitalistes, il peut être limité dans ses fonctions de bien-être. La marchandisation de la reproduction sociale implique un bricolage de nouvelles formes de domination et une dépendance à l’égard de formes plus anciennes, où des modes de domination non liés à la classe sont utilisés pour façonner les formations de classe et l’exploitation. Si la théorie de la reproduction sociale est un diagnostic des relations sociales capitalistes qui a le potentiel unique de révéler à la fois les procédures stables du capital et ses lignes de faille, l’abolition est sa politique. C’est l’abolition qui crée cet horizon de libération en nous donnant un aperçu futuriste du moment où le care pourra transcender le besoin et devenir un principe.

 Biographie de l'auteure

Retour en haut

séparation

Giovanna Di Chiro

 La reproduction sociale à l’âge de la crise climatique

Résumé. Dans cet exposé, je soutiens l’importance de construire des intersections entre la théorie de la reproduction sociale et la praxis de la justice environnementale.  En utilisant une optique éco-féministe critique, je montre comment les solutions néolibérales "vertes" à la crise climatique ne prennent pas pris au sérieux les effets matériels de l’incarnation et la capacité des communautés (humaines et non-humaines) à accomplir la reproduction sociale – c’est-à-dire la capacité à soutenir la vie quotidienne et à prospérer dans l’avenir. À quoi ressemblerait une approche juste de la "durabilité" qui soutiendrait la "fabrication de la vie" sous toutes ses formes, même - ou surtout - dans le sillage des ruines du capitalisme ? Je prendrai appui sur des exemples de la manière dont les militants de la justice environnementale et de la justice reproductive issus de communautés marginalisées mettent en évidence les liens existant entre la santé de leur environnement et la santé et la survie dans l’avenir de leurs corps, de leurs terres et de leurs communautés.

Biographie de l'auteure

Retour en haut

séparation

Jules Falquet 

Remettre l’hétérosexualité, l'imbrication des rapports sociaux et l'appropriation des femmes au coeur de l'analyse de la reproduction sociale

Dans cette communication, je rappellerai tout d’abord le cœur de l’analyse féministe matérialiste francophone. Je développerai le concept de rapports sociaux d’appropriation privée et collective des femmes par les hommes, en tant que classes de sexe antagonistes, et leurs manifestations concrètes (notamment la charge physique des membres du groupe) (Guillaumin, 1978). Je reviendrai également sur le concept de pensée straight ou idéologie de la différence des sexes (Wittig, 1981), et sur l’hétérosexualité comme système politique qui cimente les modèles et les pratiques concrètes de foyer, de famille, voire de communauté, généralement peu discutés dans les théories de la reproduction sociale, alors qu’ils sont structurés par et pour l’appropriation. Je soulignerai aussi les dimensions de race et de classe et les logiques coloniales, de l’hétérosexualité. Dans un deuxième temps, je montrerai comment il convient de remettre l’analyse de l’hétérosexualité et de l’appropriation des femmes, ainsi entendues, au centre des théories de la reproduction sociale. D’abord, dans les théories du care, où subsiste un considérable impensé quant à l’importance du travail de soin fourni par les épouses aux époux adultes tout à fait bien portants, sous couvert de la naturalité de « l’amour ». Ensuite, pour prendre en compte le « mieux vivre » que les époux et les hommes comme classe de sexe (et pas seulement les patrons et le capital) retirent directement du travail domestique et communautaire des femmes, et pour garder un œil sur les rapports de pouvoir et les inégalités économiques au sein même de l’unité domestique et des « communautés ». Enfin, pour analyser sérieusement la « production des producteurs », question centrale de la reproduction sociale, en tant que véritable travail procréatif des femmes organisé par la « combinatoire straight ».

Biographie de l'auteure 

Retour en haut

séparation 

Sara Farris

La colonialité de la reproduction sociale

Résumé. Depuis le début des années 2020, le Royaume-Uni a recruté des centaines de milliers de travailleurs migrants dans le secteur du care, alors qu’il est confronté à une énorme crise dans ce domaine, où les pénuries sont parmi les plus graves de l'histoire récente. Un aspect de ce flux actuel de mobilité de la main-d’œuvre qui n’a pas reçu suffisamment d’attention est le fait que la grande majorité de ces travailleurs migrants sont des femmes originaires des anciennes colonies britanniques. Si le recrutement de main-d’œuvre dans les colonies n’est pas nouveau dans l'histoire britannique, puisqu’il a régulièrement eu lieu à l’époque coloniale et sous le Commonwealth, il convient de noter que cette nouvelle vague massive de mobilité de la main-d’œuvre concerne principalement des femmes employées dans les secteurs socialement reproductifs de la santé et de l’aide sociale. S’appuyant sur des recherches menées auprès de travailleurs migrants employés dans des établissements de soins privés à Londres, cet article vise à explorer les implications spécifiques des relations coloniales pour comprendre la réorganisation capitaliste contemporaine de la reproduction sociale. Pour ce faire, je fais dialoguer la théorie de la reproduction sociale avec les travaux d’Anibal Quijano, de Maria Mies et de Gargi Bhattacharya, entre autres.

Retour en haut

séparation

Leopoldina Fortunati

Comment comprendre la reproduction d’aujourd’hui ?  

Résumé. En partant de l'analyse contenue dans Arcane, je tenterai d'explorer les changements structurels qui se sont produits dans la sphère de la reproduction de la force de travail à la suite des luttes des femmes. 

 

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 séparation

Nancy Fraser

La théorie de la reproduction sociale est-elle réductionniste ? La place du travail dans les luttes féministes

La « théorie de la reproduction sociale » analyse le care comme un type de travail socialement nécessaire, sans lequel les sociétés capitalistes ne pourraient pas fonctionner. Ma contribution récente à cette théorie explore l'idée selon laquelle le féminisme peut être considéré comme un mouvement ouvrier, même s'il n'a pas été reconnu comme tel. Si cette interprétation offre la perspective d'une coalition ouvrière émancipatrice unissant les exploités, les expropriés et les « domestiqués », elle se heurte à une objection sérieuse : celle de réduire les préoccupations féministes aux questions de travail et ainsi de les tronquer et de les déformer, et d’omettre des questions aussi urgentes et centrales que celles de la sexualité et de la violence à l'égard des femmes. Le but de cette communication sera d’évaluer cette objection. 

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 

séparation

 

Fanny Gallot et Aurore Koechlin

Wecasa, un féminisme de marché ? La reconfiguration du travail reproductif par le travail de plateforme

Résumé. Si les secteurs masculins du travail de plateforme d’une part, et le travail reproductif rémunéré de l’autre, font l’objet de recherches croissantes, l’appréhension des effets du capitalisme de plateforme sur le travail reproductif est peu investiguée. Il contribue pourtant fortement à reconfigurer l'organisation de la reproduction sociale. À partir d’une enquête sur l’entreprise Wecasa, l’ambition de cette contribution est de rendre compte de la façon dont le travail reproductif est remodelé par la plateforme avec un discours faisant la promotion d’un empowerment au féminin s’appuyant sur le principe néolibéral de « travailleur plus pour gagner plus ». Or, cet idéal de la femme auto-entrepreneuse émancipée, gérant elle-même sa vie comme son entreprise, vient se heurter à la réalité du statut et de ses contraintes quotidiennes : le travail de plateforme, loin de mettre fin à l’exploitation, ne fait alors qu’en changer les termes.

Biographie F. Gallot

Biographie A. Koechiln

Retour en haut

séparation

Claude Gautier

« Reproduction sociale et histoire dans la sociologie de Pierre Bourdieu »

Résumé. On affirme souvent que la compréhension du monde social contemporain chez Pierre Bourdieu tend à favoriser la reproduction sur la transformation. La forme spécifique de sa théorie des champs le conduirait à donner le primat à la « structure » sur l’« histoire ». Son œuvre abonde pourtant d’études exemplaires portant sur les modes de structuration de nouveaux champs – dans le domaine de la littérature ou de l’art, dans celui de la religion ou de la science, etc. Dans toutes ces sphères du monde social, Bourdieu n’a cessé de donner à voir quelles étaient les conditions sociales de possibilité de transformations sociales majeures… Sa sociologie, parce que profondément ancrée dans un effort continué d’historicisation de ses objets, n’a eu de cesse de rendre compte du caractère instable et provisoire des institutions qui organisent le monde social. Le monde social de Bourdieu n’est donc pas figé ni rétif au changement. 

Dès lors se pose la question de comprendre ce qui, dans la continuité de ces transformations, demeure et nourrit le sentiment que « tout change pour que rien ne change ». Le plan d’analyse doit alors être modifié et concerner les orientations axiologiques et politiques qui définissent le cadre général de son travail de sociologue : la permanence des injustices et de ses formes sociales, la continuité des expériences de l’inégalité, de la domination, de l’oppression, etc. : l’écart toujours renouvelé entre ce qui est et ce qui pourrait être. En ce sens, bien sûr, sa sociologie peut être dite critique

Il s’agira, dans le cadre de cette présentation, de localiser et d’étudier au plus près cette tension constitutive de l’œuvre de P. Bourdieu entre « reproduction » et « transformation » qui donne sa fonction – axiologique, épistémologique, politique – à la dimension critique de son propos. Pour donner prise à cette lecture, nous essaierons de repartir de quelques exemples portant sur l’« expérience » individuelle du changement social. 

Biographie de l'auteur

Retour en haut

 séparation

Émilie Hache

Reproduire le monde ou reproduire la force de travail ? Perspective écoféministe sur le concept de reproduction sociale  

Résumé. Au début des années 1980, sont simultanément publiés des ouvrages majeurs de la théorie de la reproduction sociale (Fortunati, 1981 ; Vogel, 1983) ainsi que deux textes d’Illich portant sur Le travail fantôme (1980) et Le genre vernaculaire (1982).  L’incompréhension entre les deux est totale, et les critiques de ce dernier sont reléguées dans les oubliettes de l’Histoire. Il s’agira de reprendre et éclaircir ces désaccords à l’aune d’une perspective historique extra-industrielle, en se demandant « que veut-on reproduire ? »

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 séparation

Aaron Jaffe

La théorie de la reproduction sociale, le handicap et la forme réifiée des forces de travail   

Résumé. L’analyse de la production et de la reproduction des forces de travail faite par la théorie de la reproduction sociale peut être affinée en considérant la forme-marchandise. Lorsque les forces de travail sont transformées en marchandises, ceux qui peuvent plus facilement développer et actualiser des forces adaptées à l'exploitation - ou s’intégrer dans les relations sociales appropriées à un ordre fondé sur une telle exploitation - sont rendus "aptes", tandis que ceux qui ont plus de difficultés sont soumis à des formes reconnues ou désavouées de "handicap". Cette forme exploitable de capacité domine, façonne et exclut les autres forces de travail à tel point que la division entre capacité et handicap apparaît comme anhistorique et objectivement valide. En d’autres termes, la capacité est réifiée et la forme qui la détermine est fétichisée. À leur détriment politique, ni les versions féministes italiennes ni les versions nord-américaines de la TRS n’ont suffisamment exploré les effets invalidants de la forme exploitable par les personnes handicapées, qui détermine les forces de travail comme des marchandises. L’intervention conclut en s’appuyant sur les analyses de Marx sur la force de travail dans le Capital et la "Critique du programme de Gotha", qui offrent des ressources pouvant aider la TRS à prendre le handicap au sérieux et, par conséquent, à indiquer les transformations nécessaires pour aller au-delà de la fétichisation de la forme existante que les forces de travail sont contraintes d'adopter par le capital. 

Biographie de l'auteur 

Retour en haut

séparation 

Prabha Kotiswaran 

SRT et jurisprudence en matière de care pour le Sud global.

 

Résumé. Après la pandémie, le « care » est devenu un élément central de l’agenda politique de nombreuses institutions internationales et de militant.e.s, que ce soit sous la forme de manifestes pour le « care », de propositions de l’OIT pour que les gouvernements investissent dans la purple (care) economy ou du programme W20 de groupements gouvernementaux multilatéraux tels que le G20. Mon article profitera de l’occasion créée par le tournant global vers le care pour réimaginer la théorie de la reproduction sociale et la jurisprudence en matière de care du point de vue du Sud global. Bien que les féministes de la reproduction sociale aient été résolument internationalistes en cartographiant les interdépendances entre les économies du care du Nord et du Sud, il est crucial de rethéoriser de manière plus approfondie les prémisses de la théorie de la reproduction sociale et du « care diamond », à savoir l’État, le marché, la famille et la communauté. En outre, l’étude de la relation co-constitutive entre ces institutions réimaginées et le droit à travers une approche socio-juridique critique, réaliste et empirique, révèle de nouveaux défis conceptuels et politiques urgents pour la théorie de la reproduction sociale, tout en contribuant à articuler les perspectives d’une jurisprudence renouvelée en matière de care et d’un agenda pour une politique redistributive.

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 séparation

Frédéric Monferrand

Nature et reproduction: sur quelques articulations possibles entre le féminisme et l'écologie politique 

Résumé. La montée en puissance des thématiques écoféministes a popularisé l’idée selon laquelle « la domination des femmes et de la nature relèvent d’une même culture ». Descriptivement peu problématique, cette idée soulève néanmoins le problème de savoir comment définir le rapport entre la domination des femmes et celle de la nature. L’objectif de mon intervention est d’affronter ce problème, en distinguant schématiquement trois modèles d’articulation possibles entre le féminisme et l’écologie politique, dont l’un relève de l’écoféminisme et les deux autres du féminisme de la reproduction sociale. La mise au jour de ces différents modèles d'articulation sera l'occasion de se confronter aux problèmes suivants: la domination conjointe des femmes et de la nature doit-elle être attribuée à « la modernité » comme le soutiennent souvent les écoféministes ou au « capitalisme » comme l’avancent les féministes de la reproduction sociale ? Dans le second cas, faut-il concevoir le capitalisme comme un système social étendant une même logique exploitative de l’usine au foyer et aux milieux naturels ou bien comme un régime économique encastré dans une totalité sociale plus large, qu’il présuppose et dont il menace la reproduction ? Quelles sont enfin les conséquences politiques de ces débats théoriques sur l’articulation des luttes féministes, écologistes et anticapitalistes ?  

Biographie de l'auteur

Retour en haut

séparation

Geneviève Pruvost

Le travail de subsistance n’est pas du travail de consommation-production. Les apports d’une approche écomatérialiste 

Résumé. Il s’agit ici de proposer une lignée de théorisations féministes et écoféministes qui depuis les années 1970 s’inscrivent dans une perspective de subsistance, qui déplace la partition entre travail reproductif et productif en traçant une autre ligne de partage tout à la fois historique, économique et politique entre, d’une part, le travail de subsistance et d’autre part, le travail de production-consommation. Loin d’être une catégorie spécifiquement paysanne ou réservée aux femmes ou aux pays du sud, le travail de subsistance renvoie à un socle d’activités nécessaires à la production-consommation, qui ne fonctionne que si des petites mains invisibles prennent en charge le travail de renouvellement, régénération, réparation et soin de matières vitales. L’enjeu est de revisiter ici les notions de matière, d’exploitation, d’émancipation, de travail en des termes non-capitalocentriques et non-anthropocentriques. Il importe de compléter l’approche intersectionnelle par une approche féministe écomatérialiste : au croisement des discriminations de genre, de classe, de colonialité, il importe d’ajouter les interdits d’accès à des territoires et savoir-faire de subsistance. 

Biographie de l'auteure

Retour en haut

séparation

Emmanuel Renault

Exploitation du travail domestique ou exploitation du travail de reproduction

  

Résumé. Quelle différence cela fait-il de penser l’exploitation en référence au travail de reproduction plutôt qu’au travail domestique ? On traitera cette question du point de vue de la théorie de l’exploitation. Ces deux conceptions de l’exploitation, du travail domestique versus du travail de reproduction, se croisent en effet, d’autant plus si l’on comprend le concept même de travail domestique en son sens le plus large. Réciproquement, en son sens le plus large la reproduction sociale est irréductible aux activités de travail, si bien que les théories de la reproduction sociale ne parlent pas toujours de l’exploitation. Elles contribuent néanmoins de façons décisives à la théorie de l’exploitation.                             

Biographie de l'auteur

Retour en haut

 séparation

Lucile Richard

Travail queer ? La théorie de la reproduction sociale, la sphère publique et la productivité versus l’improductivité du politique 

  

Résumé. Cette communication se concentre sur le travail reproductif qui se déroule dans nos rues, dans les parcs publics, les rassemblements politiques, et étend donc le concept au-delà de l’organisation du foyer, de l’usine et de l’entreprise. Elle soulève une question fondamentale : pouvons-nous vraiment saisir la complexité des dynamiques de pouvoir des rapports capitalistes sans plonger profondément dans le fonctionnement de la sphère publique ? Historiquement le marxisme a eu tendance à négligé cette profondeur, du fait de sa relégation fréquente de la sphère publique à une simple superstructure. En partant du constat que la théorie de la reproduction sociale (TRS) n’échappe que partiellement à cette tendance, je développe l’idée selon laquelle l’improductivité du politique est à comprendre comme l’effet d’un type spécifique de travail qui se déroule dans les espaces publics, plutôt que comme un non travail. En m’inspirant de la théorie queer et des recherches sociologiques qui mettent en évidence les divisions genrées du travail militant, je montre que d’un point de vue féministe, considérer la sphère publique comme un espace sans travail est problématique pour trois raisons. Premièrement, le travail reproductif (le nettoyage en particulier) qui s’y déroule s’en trouve effacé. Deuxièmement, on dissimule ce faisant la productivité spécifique du travail consistant à politiciser ou dépoliticiser les espaces publics. Troisièmement, cela revient à exclure une analyse de la « base matérielle » des rapports sociaux de pouvoir qui entrent en jeu quand les espaces publics sont utilisés comme sites d’action collective. En interrogeant la perpétuation de ces points aveugles, je plaide pour une réévaluation, au sein de la TRS, des implications stratégiques de la distinction entre travail productif et travail reproductif – une question longtemps abandonnée par les féministes marxistes. 

Biographie de l'auteure

 Retour en haut

séparation

 

Maud Simonet

Travailler gratuitement pour le capital… Repenser le travail et son exploitation depuis les analyses du travail reproductif

 

Résumé. Cette communication se propose de mettre en lumière la conception du travail au cœur des analyses du travail domestique comme travail reproductif qui ont été développées dans les années 70 par des féministes telles que Mariarosa Dalla Costa, Silvia Federici ou Leopoldina Fortunati. On montrera comment elle invite non seulement à élargir la définition du travail mais surtout à politiser l’analyse de ses frontières depuis une critique des processus d’invisibilisation et de gratuitisation du travail, au-delà même de ce qui est couramment désigné comme la sphère de la reproduction sociale. 

Biographie de l'auteure

 Retour en haut

séparation

Christine Verschuur

 Crise de la reproduction sociale dans le système globalisé et initiatives solidaires féministes 

Résumé. Dans un contexte de crise de la reproduction sociale, d'appauvrissement et dinégalités croissantes, des myriades d'initiatives menées par des femmes émergent, s'articulent et se transforment en force politique. Leurs expériences et luttes permettent de revisiter les débats empiriques et théoriques, mais aussi politiques, sur la reproduction sociale. Elles réorganisent et politisent la reproduction sociale, elles redéfinissent le sens du travail et de la valeur, elles explorent de nouvelles façons de faire de l'économie et de la politique, elles luttent contre leur subordination et pour leurs droits. La présentation portera plus particulièrement sur les initiatives de collectifs de paysannes afrodescendantes dans le Vale do Ribeira au Brésil. Réorganiser la reproduction sociale se révèle incontournable pour un changement social féministe et durable. 

Biographie de l'auteure

Retour en haut

 

Personnes connectées : 3 Vie privée
Chargement...